Comme chaque matin, on est venu écarter les rideaux, comme chaque matin, la voix ferme de sa femme de chambre la réveille sans qu'elle ne perde patience, comme chaque matin, elle relève le drap épais qui veillait à ce qu'elle n'attrape pas froid durant la nuit, en chemise de nuit, elle regarde Louise sortir de la pièce, la laissant libre de se préparer seule. Ses pieds sont un peu trop plats et crispés sur le sol froid de la chambre, ils finissent par trouver refuge dans deux chaussons. Aussitôt sa démarche se fait plus fluide, gracieuse et dansante tandis qu'elle s'avance vers son dressing où est soigneusement rangée la totalité de sa garde-robe parmi laquelle elle choisit ce qu'elle portera en ce nouveau jour, commence par s'habiller, aidée en cela par Sarah, une couturière qu'elle a à son service, un cadeau de son amant, pour serrer le laçage de son corset se qui accentue sa taille fine. Coquette, c'est avec soin, qu'une fois installée à sa coiffeuse, elle applique sur sa peau trop foncée au goût de la cour les fards avec lesquels elle l'éclaircie de son mieux. Écartant quelques mèches de cheveux lisses de son visage pour les protéger des poudres, elle achève son ouvrage en teintant ses lèvres d'un rose plus ou moins doux. Elle commence donc à coiffer ses cheveux, ils sont d'un châtains clair qu'on pourrait parfois confondre avec du blond foncé.
Une fois cela de fait, elle se lève, quittant ses chaussons dont la principalement vertu est le confort pour enfiler ses talons qui pourtant très hauts ne lui permettent pas d'atteindre la hauteur qu'elle souhaiterait pouvoir prendre autant dans la société de physiquement et qui ont pour défaut d'allonger encore un peu sa silhouette gracile. Ses yeux noisettes se posent sur son reflet afin de le détailler plus que de le contempler. En effet, Diane n'est pas une beauté faisant chavirer le cœur de tous les hommes, mais elle n'en reste pas moins agréable à regarder et c'est bien cela qui l'avait entraînée dans les draps d'un prince de France. Peut-être pour la douceur des traits de son visage, son regard pétillant de vie, ou peut-être parce qu'elle sait mettre le peu de beauté qu'elle a en sa possession en valeur. Elle sait que ses prétendants n'ont pas jeté leur dévolu sur elle pour la délicatesse de son visage que louent pourtant le Prince de Condé mais davantage parce qu'ils savent l'importance de sa place dans le coeur de ce dernier, c'est précisément la raison pour laquelle ils n'obtiendront jamais sa main. Elle affiche toutefois devant eux un sourire courtois, légèrement moqueur.
Il manque quelque chose. Elle a dû oublier quelque chose, son reflet lui semble fade, il manque quelque chose. Un sourire illumine son visage quand son regard vient se poser sur ses boites à bijoux vers lesquelles elle se dirige aussitôt afin d'ajouter ce qu'il manque à son cou, à ses poignets et à ses doigts. Enfin prête, le bruit de ses talons sur le sol annonçant son arrivée, elle quitte ses appartements pour aller comme chaque matin prendre son petit déjeuner en la charmante compagnie de quelques de ses amie avec lesquelles elle pourra s'offrir le luxe de moquer les courtisanes dont la préciosité manque de l'ennuyer.
Comme toujours, ses amies si fidèles lui diront, derrière leurs éventails qu'elle est radieuse et illumine la cour de sa présence, ce qu'elle avait cru par candeur dans un temps résolu. Cela la fera d'abord sourire, puis rire alors qu'elles imiteront les flatteries de tous les courtisans qui cherchent à l'épouser en rêvant d'une quelconque avancée sociale. Leur jeu s'arrêtera comme chaque jour à l'instant où le prince entrera dans le salon pour saluer sa bien aimée qui ne manquera pas de le retrouver plus tard, quand il sera rentré de la chasse.

Au premier coup d’œil, c'est une jeune femme fragile que l'on aperçoit, on peut donc l'imaginer sensible, réservée, délicate, discrète et généreuse. Mais détrompez vos yeux bercés de douces illusions si c'est ce que vous imaginez. La demoiselle que vous observez ne fait que tenir son rang, répondre à ses obligations. Quand elle s'incline, c'est pour respecter l'étiquette. Quand elle sourit, c'est par politesse, pitié parfois. De même, quand elle reste silencieuse, c'est simplement pour ne pas froisser. Ne pensez pas tout de même qu'il s'agit là d'une jeune femme libre, désinvolte ou même courageuse, vous n'y seriez pas non plus. La réalité est bien plus simple que cela en somme, et bien plus complexe.
Elena pour avoir souffert du bannissement de sa mère, n'est guidée que par un souhait, celui de plaire, de plaire à son oncle, de plaire au roi. Ce désir n'est encouragé que par le vœu de ne pas être séparée de ses deux frères aînés dont elle est très proche. Pour cela, elle fait tout ce qui est en son pouvoir, allant même jusqu'à tenter de chasser de sa bouche cet accent français qui semble désagréable aux oreilles du souverain venant de sa nièce. Toutefois, ce sacrifice ne lui vaut jamais plus d'un sourire encourageant, d'un regard concilient, comme si on attendait d'elle encore d'avantage, aussi s'applique-t-elle et prend-elle le plus grand soin de garder autant que l'on le lui permet le silence. Toutefois, rester muette comme une tombe est loin d'être toujours évident, surtout quand on a des avis à donner, avis qu'elle donne dans un allemand un rien trop délicat dans la prononciation pour ne pas trahir sa langue maternelle qu'elle se refuse à renier totalement et emploie toujours avec ses frères. Fut un temps, elle avait tenté quelques pointes d'humour en exagérant son accent déjà particulièrement marqué à cette époque, la chose avait déplu. Aussi, à présent, se contente-t-elle de rire d'elle, de sa santé fragile, de son attitude, mais seulement en privé, préférant au grand jour se moquer des courtisans qui trop fardés en ont les dents jaunies, de ses hommes qui exagèrent toujours plus leurs ronds de jambe, leurs compliments et leurs sourires, tant et si bien que tout cela semble faut.
La moquerie est comme un bouclier pour la jeune femme, c'est un moyen de se défendre, de paraître plus forte. Mais ce n'est qu'une illusion, un masque qui étire ses lèvres en un sourire malicieux alors qu'elle panse les blessures que lui a infligé le passé, et que le présent continu de lui infliger sans réelle pitié. Elle cache sa détresse derrière un sourire polie, parfois moqueur. Ce sourire, aisément qualifiable de narquois, n'est pas véritablement cruel, il est davantage celui d'un lutin, prêt à vous jouer une farce que son rang lui permet tout à fait. Sa réserve n'est toutefois nullement feinte, Elena si elle est épanouie en présence de ses frères, de sa cousine, de ses amies ou même de son oncle reste quelqu'un de timide, une timidité liée à de la méfiance. Aussi, il est assez rare pour elle d'intriguer, préférant se contenter d'écouter les rumeurs les plus surprenantes et de les laisser faire leur chemin sans trop s'y mêler.
La jeune femme est toutefois de sang royal, une princesse, et elle sait ce montrer en accord à cela capricieuse, se piquant par instant de telle ou telle frivolité dont on lui laisse la liberté, autant pour la maintenir captive de la cage dorée dans laquelle on a, il y a longtemps de cela, pris le soin de l'enfermer que pour lui offrir le peu de bonheur qu'elle ose demander. Mais si la mode passe et fait son temps, surtout parmi les nombreuses tenues qu'elle fait faire à son image, il y ait une chose qui reste chez elle intact, c'est son soin, sa façon de s'appliquer et son obsession pour la perfection, une obsession maladive, maniaque, ne tolérant aucun écart. De même, son éducation fut, du fait de son rang, des plus complètes, aussi,la jeune femme est-elle plus que capable de manier chaque subtilité des langues en sa connaissance avec toute la préciosité imposée par son temps. D'un esprit vif et fort habile, ses mots d'esprits ne sont jamais employés sans raison, sans but et elle sait les utiliser avec toute l'éloquence exigée par sa naissance.
Très attachée à sa famille, c'est le loup et l'agneau qui en elle se chamaillent et il est difficile de savoir qui des deux aura le dernier mot.

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